On lit et on entend un peu tout et n’importe quoi sur les premières interdictions de passoires énergétiques qui arrivent au 1er janvier (oui, dès 2023). On remet les pendules à l’heure, même si cette mesure fait déjà du bruit, elle reste plutôt inoffensive. Presque symbolique.
On imagine le scénario catastrophe. Alors que les Français éprouvent déjà de grosses difficultés à se loger, de nombreux logements sortiront du marché locatif début 2023, frappés du sceau de l’indécence. Parce qu’ils coûtent trop cher à chauffer. C’est aller un peu vite en besogne, car ce tsunami parfois annoncé a de sérieuses chances de se transformer en une vaguelette indolore.
D’abord, rappelons que cette interdiction programmée par la loi Energie-Climat de 2019 ne concerne que les « pires passoires énergétiques ». On parle ici des logements très très énergivores – classés en G, forcément- avec une consommation supérieure à 450 kw/m²/an en énergie finale (et pas en énergie primaire comme pour le DPE). Même si les estimations varient un peu, grosso modo, 500.000 logements sont considérés comme des « pires passoires ». On oublie ceux occupés aujourd’hui par leurs heureux propriétaires, reste de 150.000 à 200.000 logements en location, dont 50.000 dans le parc social.
200.000 logements qui risquent demain d’être retirés du marché, quand même… Minute, si on regarde bien les textes, l’interdiction ne s’applique qu’aux baux signés à compter du 1er janvier 2023. Autrement dit, rien n’empêche de continuer à louer un logement hyper énergivore, mais en cas de départ du locataire, le bailleur ne pourra pas le remettre sur le marché avant d’avoir fait quelques menus travaux.
Beaucoup de bruit pour rien
Vu que c’est un peu la crise et que le taux de rotation a tendance à s’effondrer, on se dit qu’il ne devrait pas y avoir tant de logements hors la loi à partir de janvier 2023. D’autant que cette mesure repose beaucoup sur la bonne volonté du propriétaire. Car l’information sur la consommation finale qui permet de savoir si son logement peut être reloué, est loin, très loin, d’être aujourd’hui lisible.
Elle devrait être accessible en première page pour les DPE réalisés à partir du 1er janvier 2023, mais pour ceux qui utilisent un diagnostic produit avant cette date –ancienne ou nouvelle version, peu importe, il faudra calculer l’énergie finale consommée chaque année par m². Pas sûr que tous les propriétaires, en particulier dans le privé qui concentre les deux tiers du marché locatif, soient suffisamment informés (à moins de lire nos news, bien sûr) et sortent la calculette.
Passons. Car qu’est-ce qui va empêcher un propriétaire de remettre en location une « pire passoire énergétique » ? Le législateur n’a pas prévu de sanction immédiate et systématique, il faudra que le locataire soit suffisamment informé et passe par la case justice pour faire valoir ses droits.
Moralité, les « pires passoires énergétiques » n’ont pas fini de faire parler d’elles dans les prochaines semaines, mais finalement, la mesure risque de faire beaucoup de bruit pour rien.