25 ans que l’amiante a été banni en France, mais on est bien loin d’en avoir fini avec les millions et millions de tonnes toujours en place dans le bâti. Une récente étude de l’Anses rappelle ô combien les fibres sont toxiques.
On savait l’amiante responsable de cancers broncho-pulmonaires et du mésothéliome (cancer de la plèvre). La très sérieuse Anses allonge la liste des maladies de l’amiante. Dix ans après le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), elle estime qu’il existe un lien « avéré » entre une exposition à l’amiante et les cancers du larynx et des ovaires.
Cette étude abondamment reprise à travers la presse montre combien l’amiante reste d’actualité malgré son interdiction en 1997. « Du fait de l’utilisation massive de l’amiante en France pendant plus de 130 ans et de la multiplicité des usages industriels, de nombreux secteurs d’activité, professions et travaux ont été ou sont encore concernés par une exposition professionnelle à l’amiante », explique l’Anses. Plus de 80.000 personnes restent exposées à l’amiante dans le cadre de leur travail d’après l’enquête Sumer 2017 menée par le ministère du Travail.
Et ces expositions risquent de perdurer un sacré bout de temps encore. Car selon les estimations courantes, environ 20 millions de tonnes d’amiante demeurent dans les bâtiments en France sans qu’on sache toujours où il se trouve, faute de diagnostics. Au rythme actuel du désamiantage, cette cohabitation devrait encore durer des décennies et des décennies.
Victimes de l’amiante, un bilan inconnu
L’amiante n’a donc pas fini de faire des victimes. Dans les années 2010, l’InVS (Institut de veille sanitaire) lui attribuait 1.700 morts et 2.200 cancers chaque année. Malheureusement, toutes les victimes sont loin d’être identifiées. Si le mésothéliome est quasi-toujours synonyme d’exposition à l’amiante, le lien est moins évident pour d’autres maladies. Les cancers des ovaires et du larynx en sont le témoignage éclatant.
Entre 2010 et 2020, seulement 130 demandes de reconnaissance du cancer du larynx en maladie professionnelle ont été comptabilisées. Pour les cancers des ovaires, c’est pire, six demandes recensées en dix ans, et c’est tout. « Ces cancers liés à une exposition professionnelle à l’amiante sont sous-déclarés et sous-reconnus », admet l’Anses. « L’amiante étant couramment associé aux cancers des poumons et de la plèvre, ni les médecins ni les malades ne font le lien avec d’autres cancers », explique Alexandra Papadopoulos, coordinatrice de l’expertise.
L’avis de l’Anses devrait donc améliorer la détection des cancers du larynx et des ovaires liés à une exposition à l’amiante. Mais la liste n’est sans doute pas close. D’autres études scientifiques à travers le monde pointent du doigt la responsabilité de l’amiante aussi dans certains cancers colorectaux ou gastriques pour lesquels l’amiante n’est presque jamais incriminé.
On le voit, 25 ans après, on a encore bien du mal à établir un bilan précis de cette catastrophe sanitaire. Les travaux du Haut Conseil de santé publique, en 2014, semblent plutôt révélateurs avec des estimations très grossières : de 61.000 à 118.000 morts entre 1995 et 2009, de 68.000 à 100.000 supplémentaires jusque 2050.